Le christianisme comme « religion de la sortie de la religion » : modernité et sécularisation à l’époque victorienne
Résumé
En 1985, l’intellectuel français Marcel Gauchet publiait un ouvrage intitulé Le Désenchantement du Monde. Renouant délibérément, par delà presque un siècle de négligence, avec des perspectives inaugurées par Max Weber en matière de sociologie des religions, l’auteur y décrivait le christianisme comme ayant constitué éminemment «la religion de la sortie de la religion», voyant en lui cette forme particulière de croyance don tla dynamique interne et les potentialités de développement avaient permis une «sortie»de plus en plus marquée du régime inaugural et fondateur de l’hétéronomie radicale. On s’efforcera de montrer que ce sont les perspectives développées initialement par Marcel Gauchet qui restent les plus prometteuses aujourd’hui, non seulement afin de comprendre les origines de l’Etat mais aussi afin d’envisager une redéfinition de la notion sécularisation dans la perspective de ce que l’on pourrait appeler une «dialectique de la préservation et du dépassement». C’est à cette problématique de la continuité et de la rupture, à cette dialectique de l’abolition ou du réaménagement structurel des données de l’économie religieuse fondatrice que l’on voudrait s’intéresser ici en l’illustrant à partir d’exemples concrets en Grande-Bretagne à la fin du XIXe siècle, à un moment où le doute religieux était à son comble et suscitait l’émergence de vocations intra-mondaines de substitution et de figures nouvelles de l’altérité de plus en plus immanentes au sujet humain et à la société en général.